Suite au vote au
Sénat sur l’interdiction du cumul je tiens à faire part de mon mécontentement sur la manière dont se sont déroulés les
débats et sur l’issue négative du vote.
En effet, lors des
séances des 18 et 19 septembre derniers sur le projet de loi
« interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de
député ou de sénateur », le Sénat a rejeté le texte proposé par le
Gouvernement mais a adopté un texte permettant aux sénateurs (mais pas aux députés) de cumuler avec un
mandat exécutif local.
Cette majorité a
été possible grâce à une alliance entre UMP, centristes et les radicaux de
gauche qui l’ont quasiment unanimement voté. Malheureusement, quelques
sénateurs socialistes ont conforté cette majorité, et d’autres ont refusé de
prendre part au vote ou se sont abstenus.
Je souhaite vous confirmer que j’ai clairement défendu le texte du
gouvernement, en particulier par une intervention lors de la discussion
générale, à la tribune (Lien vers mon intervention). Bien entendu j’ai également voté contre
les amendements qui s’y opposaient.
Je voudrais vous
réaffirmer ma profonde conviction en faveur de la loi anti cumul qui va
contribuer :
-
à moderniser la vie publique.
-
à renouveler la classe politique en
assurant une meilleure représentation des femmes et des jeunes quelques soient
leurs origines.
-
et à assurer une véritable séparation entre
le législatif et l’exécutif.
Ci-dessous le texte de mon intervention au Sénat:
" M. le président. La parole est à M. Claude
Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, monsieur le
ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes
chers collègues, alors que nous nous trouvons au cœur de ce débat passionné, je
me permets de rappeler que la passion n'interdit pas le respect, tant des
opinions exprimées que de celles et ceux qui les défendent. Nous avons tous la
volonté de voir le Sénat sortir grandi de nos échanges : à cet égard, il
me semble que l'issue de ce débat ne sera pas le seul élément à compter ;
sa teneur et sa qualité auront aussi leur importance.
À ce stade, beaucoup de
choses ont été dites. Pour ma part, je ne souhaite pas engager le débat sous
l'angle des problèmes de disponibilité. Après tout, il s'agit là d'une question
d'organisation personnelle. Je ne souhaite pas non plus l'aborder en évoquant
les indemnités. Ces dernières font déjà l'objet d'un écrêtement et il suffit de
décider qu'on ne peut avoir qu'une seule indemnité pour régler la question. Je
me demande d'ailleurs pourquoi nous ne l'avons pas fait plus tôt, puisque tout
le monde semble d'accord sur ce point… Enfin, je n'aborderai pas la
problématique au travers des questions juridiques. Les positions avancées dans
ce cadre sont nombreuses et contradictoires, et je n'ai pas l'expertise pour les
arbitrer.
En revanche, je voudrais
poser deux questions.
La première question porte
sur la légitimité de la représentation. Dès lors que, selon la Constitution, le
Sénat représente les collectivités territoriales de la République, qui a le
plus de légitimité pour mener à bien cette mission ?
De
toute évidence, les élus locaux, en particulier les maires, ont cette
légitimité. Personne ne peut le nier ! Dans le cadre de son mandat, un
maire acquiert un certain nombre de connaissances (M. Yves
Détraigne opine.) qui lui permettent d'appréhender
comment la loi votée par le Parlement sera appliquée sur le terrain. Or il
s'agit bien de cela, d'être capable d'envisager les conséquences pratiques de
l'exécution de la loi !
Mais
cette légitimité vaut aussi pour les anciens maires. On ne devient pas
amnésique parce qu'on a été élu sénateur ! À titre personnel, je me
souviens parfaitement des seize années que j'ai passées à la mairie de
Clichy-sous-Bois. Tout ne s'est pas envolé d'un seul coup ! D'ailleurs,
M. Hugues Portelli a oublié un détail en évoquant le cursus honorum : en
changeant de fonction, on abandonnait l'ancienne ; on n'était pas tribun
et questeur en même temps.
Voilà donc un point très
important. Rien n'interdit à un élu local de devenir sénateur, mais rien ne
l'empêche non plus de démissionner. Son expertise et sa légitimité n'en seront
pas diminuées.
Par
ailleurs, il n'est pas forcément nécessaire d'être maire ou président d'un
exécutif local pour acquérir cette expertise. Je ne suis pas d'accord avec les
propos qui ont été tenus sur le sujet, selon lesquels un conseiller municipal
n'a pas le même niveau d'expertise. Bien sûr que si ! Il connaît aussi son
territoire. Je dirai même, quitte à faire un peu de provocation, qu'il a dans
certains cas une meilleure connaissance de la population que le maire lui-même,
plus au fait des dossiers que de la situation de ses administrés.(Protestations sur plusieurs travées.)
M. Georges Labazée. Exact !
M. Raymond Vall. C'est
nul !
Mlle Sophie Joissains. C'est faux !
M. Claude Dilain. Je savais que mes propos allaient
susciter des réactions.
J'ai entendu à plusieurs
reprises que nous devions être enracinés dans le territoire. Mais les élus
locaux sont-ils les seuls à l'être ? Ne pensez-vous pas, mes chers
collègues, qu'un médecin,…
M. Éric Doligé. Il n'y en a plus !
M. Claude Dilain. … un commerçant, un éducateur, un
enseignant n'a pas une connaissance aussi approfondie de son territoire ?
Je vais vous faire un aveu : pendant plus de seize ans, j'ai cumulé la
fonction de maire de Clichy-sous-Bois et une activité de pédiatre libéral dans
cette ville, et je vous assure que j'ai appris autant de choses dans mon bureau
de maire que dans mon cabinet de médecin.
M. René-Paul Savary. Très bien !
M. Michel Vergoz. Exact !
M. Claude Dilain. L'expertise dont je me sers ici, je la
tire autant de la première expérience que de la seconde !
S'il est indiscutable que les
élus locaux ont un point de vue sur les questions que nous traitons dans cette
enceinte, ont-ils pour autant le monopole de la défense des collectivités
territoriales ? Non ! Il serait donc intéressant que d'autres points
de vue puissent aussi s'exprimer.
M. Gérard Longuet. Mais ils s'expriment !
M. Claude Dilain. Je dirais même qu'à travers son activité
le Sénat peut permettre de rassembler ces différents points de vue.
La seconde question – je
m'étonne que l'on n'en parle pas plus – est celle du conflit entre le
pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Vous allez me dire que le pouvoir
législatif national n'a rien à voir avec un pouvoir exécutif local… Relisez les
comptes rendus de nos séances ! Vous verrez combien de présidents
d'exécutif local, à cette tribune, ne font que défendre les intérêts de leur
collectivité territoriale.
M. Rémy Pointereau. Et alors ?
M. Claude Dilain. Je ne les blâme pas. Ils ont été élus
pour cela.
M. Rémy Pointereau. Ben oui !
M. Claude Dilain. Ils doivent donc le faire. Mais si nous
avons été élus à l'Assemblée nationale ou au Sénat, c'est pour élaborer la loi
de tous les Français !
M. Gérard Longuet. Pas seulement !
M. Claude Dilain. Il y a là, me semble-t-il, une confusion
très préjudiciable et j'en ai assez d'entendre des membres de cette assemblée,
dans cet hémicycle, prétendre que ce qui est bon pour leur ville l'est aussi
pour la France et que ce qui n'est pas bon pour leur ville ne l'est pas non
plus pour le pays. Je vous assure que je ne suis pas caricatural…
Enfin, s'agissant de la
question du contre-pouvoir, le professeur Olivier Beaud nous a expliqué lors de
son audition que les « barons locaux » – il a, me semble-t-il,
employé le terme – étaient nécessaires car ils constituaient un
contre-pouvoir. Certes, mais avez-vous vraiment le sentiment que les citoyens
aspirent à ce genre de contre-pouvoirs ? N'attendent-ils pas autre
chose ? C'est un point important et je vous demande d'y réfléchir.
Pour
toutes ces raisons, c'est en conscience que je voterai ce texte, et non
simplement pour respecter un engagement du Président de la République ou une
consigne. (Bravo ! et applaudissements sur
de nombreuses travées du groupe socialiste. – Mme Hélène Lipietz applaudit
également.) "